Ouverture et épanouissement !

Marie Gautheron, Grand Maître Adjoint aux Affaires Extérieures depuis juin dernier, nous emmène à la découverte de son chemin de vie, mais surtout, de son chemin Maçonnique ou elle n’a jamais cessé de vouloir aider et partager avec les Sœurs et les Frères.

Une famille aimante

J’ai grandi dans une famille de la classe moyenne, de la bourgeoisie provinciale, catholique pratiquante. Mon père était chef d’entreprise textile (Tissage soierie) en région Rhône-Alpes proche de Lyon. Je suis l’aînée d’une fratrie de quatre enfants nés en cinq ans. Notre mère est restée à la maison pour nous élever jusqu’à mes 16 ans. Elle a ensuite repris une activité professionnelle. Elle était diplômée : Infirmière et Assistante Sociale.
Nous étions entourés d’une famille aimante. Notre éducation a plutôt été stricte et le dialogue n’était pas facile. Cependant, nous avons eu une ouverture à la culture (littérature, théâtre, musique dont pratique d’instruments), au sport (pratique en club depuis le plus jeune âge), aux voyages en famille et en individuel (découverte des régions de France et des pays européens). Ma famille au sens large était engagée sur le plan social dans la cité : associations diverses, mandats électifs…

Ouverture !

Élevée dans la religion catholique avec une scolarité suivie jusqu’au baccalauréat en écoles privées catholiques tenues par des religieux, j’ai été à l’adolescence en rébellion contre ce système. Je m’interrogeais beaucoup sur le sens de ce que l’on m’imposait. J’étais trop jeune pour participer à Mai 68… Ma famille n’a pas facilité la compréhension de ces événements pour la pré-adolescente que j’étais… J’ai posé à ma façon des actes d’opposition (fugues, renvoi d’établissement…) Le reste de ma scolarité en a été perturbée !
Dans ma vie professionnelle riche de rencontres diverses dans un milieu médico-social et particulièrement en milieu hospitalier, j’ai travaillé à la défense des droits de l’enfant avec la création d’équipes pluridisciplinaires pour l’écoute bénévole de l’Enfance en danger (maltraitance, abus sexuels…) ! C’était en 1989 !

Travaillant avec des magistrats et des élus, j’ai eu mes premiers échanges sur le thème de la Franc-Maçonnerie. L’un de ces professionnels au regard de mon investissement et de mes engagements m’a encouragée à rencontrer des Francs-Maçons. C’est alors que j’ai rencontré des Sœurs de la Grande Loge Féminine de France (GLFF).

J’ai donc été initiée dans une obédience féminine, ce que j’ai choisi. Je pensais que me recentrer et approfondir ma quête de sens exclusivement avec des femmes me permettrait de mieux me retrouver. Pendant dix ans, ce cheminement m’a convenu. Vivre un peu en secret dans ma bulle me satisfaisait.

Le temps passant, ma progression et la découverte des voyages comme Compagnon puis comme Maitre, m’ont reconnectée à la nécessité d’ouvrir mon champ d’échanges à l’autre Colonne de l’Humanité, donc à mes Frères. La mixité m’a paru comme une nécessité pour poursuivre et ainsi élargir mes connaissances.

Un épanouissement

La Franc-Maçonnerie me parait comme une nécessité à mon épanouissement personnel. Je m’améliore, je prends davantage confiance en moi et réellement cela m’a permis de mieux appréhender ma vie professionnelle, comme assumer autrement ma vie d’élue ou personnelle. Le pas de côté pratiqué en Franc-Maçonnerie m’a permis la prise de recul.
La Franc-Maçonnerie me permet d’être actrice sur le plan symbolique à la Construction de cette Grande Œuvre qu’est le Temple Universel de l’Humanité.
Le but de l’initiation du Franc-Maçon est donc de rendre l’homme meilleur, sans pour autant lui dicter une façon de s’améliorer. La Franc-Maçonnerie m’a permis l’épanouissement de mon « JE » mais le « JE » a besoin du « TU » qui me reconnait comme sujet analogue et proche affectivement tout en étant autre. C’est ainsi que portant notre attention à autrui, collectivement, nous vivons cette fraternité. Ce qui m’a aussi interpelée et intéressée c’est la liberté de pensée prônée comme le refus de toutes certitudes.

En même temps, la Franc-Maçonnerie m’a non pas réconciliée avec la religion, mais elle m’a permis une prise de recul. J’avais comme un conflit de loyauté entre mes parents avec leur éducation et mon rejet de tout dogme religieux. Mon rapport à notre finitude, notre mort physique a changé. Je suis aujourd’hui sereine face à cette réalité incontournable. Comme j’ai pu renaître comme Initiée. Je renaîtrai à une autre réalité que nous nommons Orient Éternel.
La disparition de mes proches dont mon père m’a été moins douloureuse je pense (j’étais initiée) contrairement aux décès de ma mère et d’autres proches survenus dix ans avant mon initiation !

Grandir

La Franc-Maçonnerie m’a permis de grandir, d’avoir une meilleure confiance en moi. J’ai appris, j’ai travaillé, échangé, découvert et fait connaissance de personnes que je n’aurai jamais croisées dans la vie Profane. Les outils que nous utilisons font partie intégrante de ma vie quotidienne et je ne saurais réfléchir sans m’y référer. Les valeurs et les principes que nous défendons comme le refus de toute assignation, la foi dans la philosophie des Lumières et la recherche de la connaissance contribuent à cette union fraternelle qui nous rassemble. La Fraternité est une force, la solidarité en est une pratique. Mais ne nous leurrons pas et restons vigilants dans ce monde qui va mal. Je suivrai volontiers les enseignements d’Edgar MORIN qui a écrit dans l’un de ses ouvrages : « Répétons-le sans cesse : tout ce qui ne se régénère pas dégénère, et il en est ainsi de la fraternité ».

Tout cet acquis, je le dois aux Sœurs et Frères qui m’ont précédée, qui ont fait vivre la Franc-Maçonnerie depuis des siècles me permettant aujourd’hui en 2024 d’être là où je suis. La transmission est essentielle. Mes responsabilités prises au cours de mon parcours maçonnique des plateaux tenues en Loge et particulièrement celui de Vénérable Maitre jusqu’à mon engagement au sein de l’Obédience sont la suite logique. C’est le minimum que je puisse faire pour cette institution qu’est la Franc-Maçonnerie ! Une sorte de devoirs en retour que je m’impose avec bonheur. Que de découvertes, à chaque stade, à chaque niveau. Le seul regret est de ne pas avoir découvert la Franc-Maçonnerie plus tôt dans ma vie…

Donner aux autres

Aujourd’hui je contribue à l’émancipation de la Franc-Maçonnerie par ma participation quotidienne au fonctionnement de notre Obédience. J’ai assuré pendant deux années successives la mission de Trésorier (Grand Trésorier) de la Fédération auprès du Président (Grand Maitre).
Depuis juin dernier (3e année au Conseil de l’Ordre), l’Office dont j’ai la charge est celui de Grand Maître Adjoint aux Affaires Extérieures.
Je suis le premier vice-président de la Fédération. J’assiste notre Sérénissime Grand Maître, Félix Natali, et le remplace en cas d’empêchement. Je devrai assurer le lien entre l’Obédience et l’extérieur, soit avec les autres Obédiences françaises et/ou étrangères ainsi que toutes les structures et organismes en lien avec l’Obédience.

Je dois également créer de nouveaux liens avec ces structures ou consolider l’existant (traités d’Amitié, conventions de partenariat, alliances…) tout en alliant une vigilance quant au respect des conventions ou traités en cours.

Avec le Cœur

Que conseillez-vous à tous ceux qui souhaitent s’investir comme vous ?
Pour ceux qui souhaitent s’investir il faut tout simplement frapper à la porte du temple sans a priori, être soi-même vrai et écouter, observer, se laisser guider. La Franc-Maçonnerie se pratique avec le cœur donc aucune crainte à avoir.

Quant à l’investissement au cours de son parcours maçonnique, il ne doit pas être une contrainte mais il se fera naturellement.

« Les ouvriers se lèvent, et se remplacent ! »

Nous sommes de passage et nous transmettons. Chaque charge est une nouvelle expérience initiatique. L’important est de donner du sens à sa mission.

Propos recueillis par Michel Riedel