Sans jamais vraiment évoquer cette question, Guy Chaussinand-Nogaret, professeur à l’École des HautesÉtudes en Sciences Sociales, grand spécialiste de l’Ancien-Régime, y répond avec clarté dans une écriture fluide et élégante. Il nous dit que la demande d’une évolution de la monarchie s’effectuera avant ce qu’on appelle la période des Lumières et ne sera jamais une remise en question du système monarchique luimême, mais plutôt une lente et prudente demande d’aller vers une monarchie constitutionnelle, « à la britannique ».
La remise en cause du roi est impensable, car il est présenté comme l’intermédiaire entre Dieu et le peuple. L’auteur nous rappelle un arrêté de la Cour du 21 avril 1643 , où le Parlement déclare :
« La sagesse et la conduite qui se rencontrent dans les conseils ordinaires des hommes, en la personne des Souverains, sont une espèce de divination, la prévoyance dont ils usent dans leur gouvernement et leurs États, participant du privilège des prophéties et de la certitude des oracles ».
Le roi, dans les esprits, est une incarnation et c’est pourquoi les philosophes des Lumières se réclameront en permanence comme opposés aux Églises. La monarchie constitutionnelle britannique était possible car les protestantismes du Royaume allaient vers une plus grande souplesse et aussi, qu’historiquement le « corps sacré du roi » avait été désacralisé par la décapitation de Charles I avant la dictature de Cromwell et de ses puritains. Il convient d’ajouter à cela la présence d’une importante bourgeoisie d’affaires qui contrebalancera tout pouvoir monarchique, faisant du roi un représentant symbolique, sans importance réelle sur un plan politique ou économique.
En fait, la Maçonnerie naissante, ne sera que l’un des éléments (peu important !) de la révolution bourgeoise qui se met en place et qui, précisément, prendra la place de la noblesse en s’installant dans ses meubles ! Partant des critiques qui ont lieu déjà sous Louis XIV, nous assistons à l’exécution d’un régime et à la naissance d’un homme nouveau, ce fameux « Citoyen des Lumières » et suivons les étapes de la transmutation qui s’effectuent dans l’athanor philosophique et qui produisent Diderot, Voltaire, Boulainvilliers, d’Holbach, Montesquieu et Mably.
Une occasion de faire la lumière sur nos imaginaires!
Guy Chaussinand-Nogaret – Le citoyen des lumières – Éditions Complexe 1994 – 220 pages
Par Michel Baron