À la fenêtre à l’est, dans la soirée la chaleur s’est dissipée
à la porte du nord, la fraîcheur du vent
toute la journée, assis ou allongé,
je ne quitte pas la pièce
quand le cœur est libre de toute attache,
franchir la porte ou pas, quelle importance ?PO CHU-YI ( Journée d’été )
Comme la poésie précédente de Po Chu-Yi le laisse deviner, je viens de terminer « L’art de la sieste et de la quiétude » aux éditions Albin Michel dans la collection « Spiritualité vivante », anthologie de la poésie chinoise concernant le domaine de la quiétude et traduite, selon les spécialistes, avec une très grande justesse et prodigieuse connaissance de la langue chinoise par Hervet Collet et Cheng Wing Fun.
Je sens qu’un certain nombre de problèmes pourraient me tomber sur le dos : en effet, comment parler avec bonheur de la sieste et de la quiétude dans un groupe humain qui, symboliquement, dans ses rituels n’hésite pas à proclamer :
« Gloire au travail » ! Tant pis, je persiste… D’abord, nulle critique ni condamnations vulgaires ne s’imposent puisqu’en Chine la sieste est un art ! Laissons courir notre imagination : imaginons-nous sous la douce brise de l’été, mollement allongés et célébrant par là-même le non- agir taoïste, le « Wou Wei », le détachement, la joie de vivre et de communier avec la nature.
Des réjouissances qui s’accompagnent assez souvent d’une coupe de vin, seul ou avec des amis qui partagent notre philosophie de l’existence.
Ces poésies sont les compagnes idéales pour les longs après-midis sous les pins ou les douces nuits embaumées de tous les parfums de la nature. La sieste n’est ni une dérive, ni un acte délinquant immoral. Juste une parenthèse dans le courant de la vie, non pas en regagnant la rive ou un bras mort, simplement en faisant la planche ! L’impeccable équilibre « Yin-Yang » universel nous conseille de ne rien faire de spécial surtout, juste contempler et jouir de la quiétude. Ah ! Oui…rappelons-nous que même en occident, continent de l’action par excellence, nous eûmes un très large courant de l’Église catholique qui nous proposa, sous la direction de Fénelon et de Madame Guyon, la « bonne nouvelle » du Quiétisme, c’est-à-dire de rester cool, y compris en matière religieuse. Malheureusement, ils perdirent le combat !
Nous sommes tous, plus ou moins, animés par la quête de l’absolu, de la vérité de l’éveil, de l’illumination, de la compréhension ultime, etc…
Pour s’apercevoir, en fin de compte (si l’on y arrive !) qu’il n’y a rien. Loin d’être un constat d’échec, c’est un sentiment et une expérience merveilleusement libérateurs. En fait, l’illumination ou l’éveil est la révélation non pas tant d’une vérité que de la réalité, ici et là, dans son évidence absolue. Ce qu’on cherche, la vérité, un sens, est exactement là, à l’endroit même où l’on cherche, dans une totale évidence. Alors, il n’y a plus qu’à lâcher prise philosophiquement et de s’accorder au cours des choses.
Finalement, je pousserai même l’audace jusqu’à considérer la sieste comme une métaphysique. Nous lisons sous la plume du maître Ch’an Yuan-Wu (1063-1135) : « Faites juste en sorte d’être intérieurement vacant et en harmonie avec l’extérieur. Alors, vous serez en paix au beau milieu de l’activité frénétique du monde ».
Je sens d’ailleurs que mes yeux commencent à se fermer et que je baille… Ça y est je suis entre parenthèses !
Bonne sieste et bon dimanche !
Michel BARON