La revue Sisyphe n°2 est parue !

La revue Sisyphe n°2 est parue.

“Cette éthique qui nous rassemble ” est le thème de ce deuxième opus.

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Extrait de l’édito d’Edouard HABRANT :

 

« Avoir conscience, c’est se penser ; mais penser, c’est résister, examiner, douter, gouverner. Qu’est-ce que s’éveiller, sinon refuser de croire. Et dès que la coutume me reprend, je dors. Dès que je suis d’accord avec moi-même, je dors. Être pour soi, c’est n’être pas content de soi, dire non à soi, à ses désirs, à sa colère, à ses pensées. La conscience coïncide ainsi avec l’exercice actif et résolu du jugement, de l’examen. Il n’y a pas de conscience paisible »

 

Alain, « La conscience morale »

 

Après une première édition, consacrée à « réunir ce qui est épars », Sisyphe et la Grande Loge Mixte de France se sont questionnés, dans le présent numéro, sur la démarche commune qui dicte le comportement de chaque franc-maçonne et de chaque franc-maçon.

Qu’est-ce qui nous rassemble, au fond, si l’on quitte le vernis – ou parfois la chape de plomb – que peuvent représenter nos contextes familiaux, professionnels, culturels et sociaux, d’où sont largement issues nos représentations et opinions ?

Ne faut-il pas, au demeurant, se délivrer quelque peu de soi – peu ou prou – pour apprendre à penser par soi-même et parvenir à une conscience plus aigüe des choses et du monde ?

« Travaillez à percevoir le monde afin d’être plus justes », enjoignait Alain à ses élèves, sans oublier de préciser que l’instruction sans morale est probablement plus morale que la morale sans instruction.

C’est d’ailleurs l’un des nombreux paradoxes – du moins en apparence – de la franc-maçonnerie que d’aspirer à l’amélioration morale de l’humanité sans jamais être moralisatrice.

Elle est contrainte, si elle veut demeurer intemporelle et poursuivre la recherche de son idéal d’universalisme, de ne pas se borner à énoncer des valeurs – nécessairement relatives – ou à s’interroger sur des mœurs, nécessairement contingentes.

Et puis, si l’on doit se délivrer de soi-même, c’est tout de même à soi qu’il faut revenir, ne serait-ce que pour vivre pleinement et intensément l’expérience de l’autre.

Dans ce mouvement de l’intérieur vers l’extérieur, puis de l’extérieur vers l’intérieur, les idées ne sont toujours que des outils et des instruments, et non une fin.

Seule la réflexion éthique peut, à la fois, orienter la pensée, guider l’action et nous permettre d’aller à la rencontre de notre commune humanité, par un mouvement critique des connaissances.

C’est précisément cette démarche éthique, qui se situe à la fois en amont et au-dessus de la morale et de la politique, qui rassemble les franc-maçonnes et les francs-maçons.

C’est l’éthique, sous-tendue par une méthode et des principes, lesquels doivent être régulièrement actualisés, qui permet de répondre à des questions concrètes et pragmatiques, sans renoncer – le cas échéant – à une quête spirituelle ou métaphysique.

Parmi les principes qui sous-tendent l’éthique, un grand nombre sont familiers au franc-maçon : le doute, cette pénombre dont émerge si souvent la décision ; la responsabilité, chère à Levinas, Kant et Jonas ; la considération d’autrui, qui n’est pas un autre moi-même, car c’est sa différence qui est essentielle.

C’est à cette condition que chacune et chacun d’entre nous pourra s’inspirer de l’artiste dont parlait Paul Valéry : « il a frappé des milliers de coups rebondissants, lents interrogateurs de la forme future. L’ombre serrée et pure est tombée en éclats, elle a fui en poudre étincelante ».

Ce voyage en humanité peut sembler ardu, éprouvant ou simplement décourageant par séquences. Il n’en demeure pas moins l’un des biens les plus précieux, pourvu que nous prenions le temps d’en goûter les fruits.”