“La France sous nos yeux”

Au lendemain de l’élection présidentielle, je vous propose de faire un point sur les raisons de la réorganisation du paysage politique français à laquelle nous venons d’assister.

Jérôme Fourquet, expert en géographie électorale et Jean-Laurent Cassely, journaliste spécialisé dans les questions territoriales ont coécrit fin 2021, « La France sous nos yeux » pour nous faire un constat sans tabou des réalités de notre pays et de ses territoires afin d’apporter quelques explications à la recomposition du paysage politique français qui se fait en suivant de profondes fractures, entre ville et campagne, métropoles et périphéries, territoires bénéficiant ou non de la mondialisation….

Plusieurs constats s’imposent : la désindustrialisation du pays et les délocalisations d’usine, la montée en puissance, dans les villes moyennes, de l’Hôpital qui a joué un rôle important au moment de la crise du COVID. Ce trait a pour corollaire la fin du secteur primaire, c’est-à-dire de la fin des paysans, des agriculteurs et sans problème, la transformation de certains bassins miniers en base de loisirs.

Ainsi, à Lens, dans le Pas-de-Calais, le Louvre est venu installer une partie de ses collections dans un édifice essentiellement pris en charge par les collectivités locales.

La stratégie d’implantation des grandes surfaces a suivi un plan d’une grande efficacité, quadrillant le pays dans les zones de désindustrialisation.

Outre la stratégie commerciale, les auteurs soulignent l’importance du tourisme dans ces zones ; qu’il s’agisse d’implantation low cost ou de haut de gamme, pour une reconversion acharnée du territoire. On pense ici d’une part à Disneyland Europe, mais aussi aux grands festivals de rock, locomotives culturelles en Bretagne ou dans l’Est.

En face ou en compensation de la désindustrialisation, on vend des images de la France éternelle, zone de tourisme importante en Europe.

Le second constat fait par les auteurs concerne la nouvelle hiérarchie des paysages. On pourrait même ajouter que la crise sanitaire du COVID a accentué ce trait. Nous y viendrons. Un certain nombre de catégories sociales ont progressivement déserté les centres villes pour aller en banlieue. Cette gentrification des zones périurbaines avait déjà été signalée par Paul Vermeren, on en verra les conséquences politiques.

D’une part la boboïsation de zones de banlieue comme Pantin voit l’installation de catégories aisées avec leurs modes de vie, souvent écologistes, qui expulsent les catégories populaires présentes. A l’inverse, l’exclusion de ces catégories populaires vers une banlieue plus éloignée a été notée par plusieurs comme le point de départ du mouvement de gilets jaunes et de l’occupation des ronds-points.

Ce mouvement de fond semble ici revendiquer une soupape champêtre de bobos.

Apparait alors une nouvelle esthétique des territoires, une attractivité forte pour la mer et la campagne de façons irréversibles.

Le quatrième constat est celui de la dé-moyennisation des classes moyennes en France, elles qui avaient fait les beaux jours de la cinquième République. La transformation des styles de de vie s’effectue selon une bipolarisation entre la France « discount » celle des nouvelles grandes surfaces, Aldi, Lidl, mais aussi celle des auto-entrepreneurs, Deliveroo, Uber et une France plus aisée, polarisée vers des modes de vie plus choisis, des stations de ski plus huppées, elles mêmes réparties entre très chic et bas de gamme.

Ainsi, la répartition des classes sociales est elle aussi significative de la France d’après. Les catégories populaires ne sont plus tournées vers la production et la fabrication mais vers le client avec comme support l’entrepôt logistique, les scooters, Uber ou Deliveroo voire dans d’autres domaines les aides-soignants, bref tous eux qui à un moment donné ont appuyé les gilets jaunes.

Fourquet et Casseluy soulignent que les forteresses sociales anciennes se sont effondrées ( à l’Education nationale par exemple ) et que le cœur de la classe moyenne est aujourd’hui le Bac +2.

Il y aurait aussi disent ils, une nouvelle bourgeoisie de l’immobilier, des métropoles pour la start-up nation, qui fait face aux catégories paupérisées, donc source de tensions territoriales.

Des anciennes strates de la société française il reste très peu : certes toujours une vieille empreinte du catholicisme, quelque traces sociales de marqueurs importants, la culture de l’huile d’olive, les brasseries et toujours en forme d’écran, les choses de l’Amérique, cette passion française pour les blockbusters, Coca-Cola et Mc Donald. Certes le mille-feuille culturel français s’est enrichi de choses des banlieues, le Kébab, les Tacos ou la Chicha mais il s’agit d’un patchwork spirituel plus que d’une structuration solide.

En conclusion, Fourquet et Cassely soulignent, dans la cartographie française, la structuration du pays autour des villes-TGV, avec le RN comme parti des périphéries, la gauche dans les centres-villes, en concurrence avec la droite et la LREM auprès des classes favorisées. EELV indiquant dans les villes centres de nouveaux de modes de vie. On verra bien

Bonne lecture.

 

Pierre Yana