Entretien avec David Proaskat
A priori strictement aucun, si ce n’est qu’entrer en maçonnerie vous transforme de l’intérieur, petit à petit, de manière presque insidieuse, tant dans votre rapport à vous-même, qu’avec ce qui vous entoure. Le pas se décale et donc le regard aussi.
Cette crise sanitaire est venue nous éprouver dans nos plus intimes convictions, remettre en question nos comportements les plus communs.
Observer les hommes de science, les philosophes ainsi que les hommes politiques débattre dans les différentes arènes médiatiques est probablement venu faire grandir en moi un sentiment d’incertitude déjà latent à l’égard des choses de la Cité.
Qui croire, quoi croire ?
Excellent terreau que le doute ! Il s’est invité chez bon nombre de nos concitoyens en quête de réponses, parfois même, jusqu’à la bascule complotiste.
J’ai alors passé mon chemin, comprenant que tenter de glaner des informations sur un sujet aussi neuf ne me mènerait nulle part.
Pendant tous ces mois de confinement, consommant moins et différemment, je me suis alors posé d’autres questions, plus essentielles à mes yeux, sur nos sociétés dites modernes.
Des questions qui sont venues faire résonner ce pourquoi je suis Franc-Maçon de la Grande Loge Mixte de France.
« A la recherche de la Vérité », j’ai voulu connaître ce qu’il en est de l’état de notre Planète.
Cette fois, « le jeu en valait vraiment la chandelle » .
Car, même si , comme pour la Covid 19, les débats politiques, scientifiques, philosophiques sont contradictoires, tantôt alarmistes, tantôt modérés,
il est néanmoins possible de s’appuyer sur un corpus de données bâties sur un temps beaucoup plus long.
Avons-nous « brulé cette chandelle par les deux bouts ? » aurait pu résumer ma question métaphysique.
C’est ce vaste chantier que j’ai naturellement proposé à l’Atelier accompagné de ces quelques mots: « Soyons les garants d’un savoir éclairé et critique de ce qui est vraiment l’état de la Planète ». La Commission Sursis-Terre était née.
Avec l’appui de notre Vénérable, dès la rentrée 2021, nous nous sommes mis au travail. Le sujet avait attisé la curiosité de pas mal d’entre nous (environ 2/3 de l’Atelier), nous forçant à constituer plusieurs groupes . Nous n’avions pas tous ni toutes les mêmes motivations, mais chacun pressentait que ce travail serait enrichissant et important. Afin de pouvoir structurer nos recherches , j’avais pris 3, 4 mois en amont pour défricher le terrain.
Bien qu’ayant un bagage scientifique, je ne suis ni écologue, ni écologiste, activiste d’aucune sorte, ni climatologue. Jusqu’à il y a peu, ma conviction avait toujours été que l’Homme s’était sorti de toutes les situations délicates et continuerait de le faire par sa grande capacité d’adaptation. Je pensais que l’on devait nos immenses progrès a une structuration sociétale qui découlait d’un système de pensée démocratico-capitaliste.
Notre plan était simple : la première année serait entièrement consacrée à l’état des lieux . Adoptant une approche méthodique empruntée à quelques auteurs et conférenciers que je suivais (Arthur Keller …), ensemble, nous avons regardé la Terre selon 6 sphères :
L’Hydrosphère (l’eau: les océans, rivières…), la Cryosphère (les glaciers, calottes glacières…), l’Atmosphère (gaz et particules en suspension…), la Pedosphère (couche terrestre la plus externe), puis juste au-dessous la Lithosphère (couche d’où sont puisées les ressources énergétiques, les différents matériaux …), enfin la Biosphère (l’ensemble du vivant).
Nous avions convenu de quelques consignes :
– pas de « parti pris »
– questionner les sources, c’est à dire la provenance des informations, favorisant systématiquement les productions scientifiques.
Il nous a été difficile d’être exhaustifs vu l’ampleur de la tâche.
Nous avons malgré tout, distillé le fruit de nos recherches sous forme de petites planches.
En fin d’année, il nous semblait nécessaire de poursuivre plus loin nos réflexions avec les données glanées. Deux sujets se sont presque imposés à nous :
– La croissance économique,
– La communication efficace.
Le premier est un sujet aussi passionnant que clivant.
Nous interrogeons ici la nécessité de maintenir ou pas une croissance économique dans un monde, qui somme toute, possède quelques limites.
Le sujet, dit de la « communication efficace » découle de nos échanges à l’intérieur des différents groupes de travail, mais surtout de l’accueil que nos différents travaux ont pu avoir, auprès notamment des Frères et Sœurs qui ne s’étaient pas engagés dans la Commission « Sursis-Terre » (le 1/3 restant…).
En effet, ce type de sujets que constituent les « enjeux planétaires », sont d’excellents déclencheurs de peurs, ils génèrent parfois de la colère, de l’anxiété ou du rejet. Savoir comment éveiller, transmettre de l’information avec des mots justes, s’est avéré essentiel au fur et à mesure que nos travaux étaient exposés.
Enfin, afin de ne pas plonger l’Atelier dans une forme de fatalisme morose, un 3e thème est venu s’ajouter : celui des solutions.
Nous travaillons sur des solutions de tout ordre (économique , technologique, juridique, éducative …) que chacun est libre de choisir.
L’important étant de définir les curseurs pertinents venant motiver ce choix.
Même si nos recherches nous conduisent aujourd’hui à penser que le devenir planétaire doit être abordé selon une approche systémique et qu’il n’existe aucun pansement magique, ce dernier thème des solutions a été, je dois l’avouer, stratégique.
A mesure que nous avancions, l’idée d’œuvrer en dehors du Temple a germé.
Parmi nous, une Sœur, en particulier, incarnait cette direction.
Une direction légitime, que nous rappelle l’article 2 des principes capitaux de la GLMF. Éveiller la jeunesse aux nouvelles problématiques environnementales nous est apparu comme une bonne approche.
Bénéficiant d’une expertise dans l’événementiel, et ayant entamé un virage professionnel vers un univers éco-responsable, notre Sœur a su donner corps à l’Association Sursis-Terre dans le monde profane.
Très vite un projet est né en partenariat avec le lycée Carnot de Cannes, trouvant écho parmi les associations de parents d’élèves et certains professeurs.
Nous nous appuyons sur un outil pédagogique nommé « la fresque du climat » créé par un ancien membre du Shift Project (fondé par M. Jancovici, ingénieur, conférencier).
La fresque du climat est basée sur les données du rapport du GIEC lui conférant une certaine neutralité et la fiabilité nécessaire à une bonne base.
Elle est actuellement utilisée dans des Écoles telles que Sciences Po, les Écoles Centrales.
Le 3 juin prochain, nous réunissons donc 40 lycéens dans un Grand jeu de piste à la fois physique et cérébral afin qu’ils appréhendent par eux-mêmes ce monde en complet bouleversement, avec l’espoir qu’à leur tour, ils œuvrent dans une direction nouvelle.
Ce projet nous révèle l’intérêt croissant suscité par la question environnementale tant dans le monde maçonnique que profane, mais aussi l’exigence que cette thématique nécessite afin d’éviter tout dogmatisme.