Olympe de Gouges, Joséphine Baker : deux époques, deux destins, deux femmes exceptionnelles engagées dans la lutte pour l’égalité des droits. Leurs combats pour la liberté, l’égalité et la fraternité sont et demeurent des idéaux universels. L’une entre au Panthéon, et l’autre reste à la porte… pour l’instant.
En « panthéonisant » Joséphine Baker voici environ deux ans, la France a souhaité rendre hommage à une artiste, profondément humaniste presque utopiste, qui mettait le genre humain au-dessus de nations, des couleurs, des différences. On pourrait presque en dire tout autant de Marie Gouges qui, deux siècles plus tôt, incarnait l’engagement politique au féminin et qui, à travers ses pièces et ses écrits, dénonçait la traite des noirs, revendiquait le droit au divorce, militait pour l’affirmation de la dignité des femmes.
Toutes les deux ont utilisé leur art (le music-hall pour l’une, le théâtre dramaturge et les pamphlets pour l’autre) pour diffuser leur engagement humaniste et faire évoluer les mentalités.
Elles ont été des femmes de courage, de résistance, d’amour et surtout des femmes d’engagements.
Femme de lettres et républicaine, Olympe de Gouges a côtoyé d’éminents scientifiques, philosophes, encyclopédistes dont certains jouèrent un rôle important durant la révolution et furent, pour la plupart, membres de la Loge des Neuf Sœurs, affiliée au Grand Orient de France, Loge intellectuelle voire révolutionnaire dont le chevalier Cubières, son amant, était un des fondateurs.
Pionnière du féminisme français, elle rédigera la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne en 1791. Parmi les propositions énoncées, nous retrouverons : l’impôt sur le revenu et l’impôt sur la fortune au nom de l’égalité entre les citoyens, la possibilité pour les enfants de porter le nom de leur père ou de leur mère, un soutien de l’Etat aux mères célibataires. Guillotinée en 1793, Olympe eut finalement comme principal défaut d’être née trop tôt.
Quant à la vie de Joséphine Baker, elle ne résume pas à ce pour quoi elle demeure mondialement connue à savoir sa carrière au music-hall et sa célèbre ceinture de bananes.
Femme noire, née américaine en 1906, maltraitée et esclave pendant son enfance, meneuse de revue, bisexuelle, mariée 5 fois, morte presque ruinée, ayant défendu coûte que coûte ses idéaux, et combattu sous les couleurs de la France. Elle est aussi aux côtés de Martin Luther King, en 1963, au cours de la Marche sur Washington ; également très engagée dans l’action de la Ligue Internationale Contre l’Antisémitisme (qui deviendra la LICRA). En 1939, elle devient un agent du contre-espionnage français et s’engage dans les services secrets de la France libre (elle utilisait ses partitions musicales pour dissimuler des messages). Notons que Joséphine fut initiée le 6 mars 1960 par la Loge « Nouvelle Jérusalem » de la Grande Loge Féminine de France.
Profondément humaniste, Joséphine Baker voyait le monde simplement : « c’est formidable avec ces gens de tous les pays, toutes les langues, toutes les couleurs. C’est une chance inouïe d’avoir un public pareil. Toute la race humaine réunie en une seule famille. ».
Rien d’étonnant alors qu’avec Jo Bouillon, son 5ème mari, ils réalisèrent ensemble leur projet d’adopter des enfants de nationalités différentes, afin de prouver que la cohabitation de « races » différentes peut fonctionner. Ils adoptèrent douze enfants, qui deviendront leur « tribu arc-en-ciel » ou leur « petite ONU ».
« Aux grands hommes, la patrie reconnaissante » peut-on lire sur le fronton du Panthéon. Alors, Olympe, Joséphine, la France et les femmes vous disent merci.
Stéphanie Hecquet