Face à des mots qui nous asservissent parfois…

« Au-dessus du Grand Palais
Le soleil d’hiver apparaît
Et disparaît
Comme lui mon cœur va disparaître
Et tout mon sang va s’en aller
S’en aller à ta recherche
Mon amour
Ma beauté
Et te trouver là où tu es. »

Jacques Prévert

 

Face à des mots qui nous asservissent parfois, et dont il faut bien se libérer pour cheminer, la polysémie des signifiants fournit des remèdes.

Il en est ainsi du substantif « épreuve », qui renvoie à la fois à la confrontation réunissant deux adversaires et à l’expérience à laquelle on soumet la qualité d’une personne ou d’une chose, et susceptible d’établir la valeur positive de cette qualité.

Les « gilets jaunes », que certains qualifient de « mouvement » quand d’autres parlent « d’insurrection », mettent à l’évidence à l’épreuve le gouvernement et le pouvoir, qui doivent probablement se garder d’explications commodes ou convenues, s’ils souhaitent tirer les leçons positives de cette situation.

Le pouvoir, et notamment tout organe exécutif de l’Etat, doit s’efforcer d’être impartial à ses propres idées, de discuter avant – et non après – les décisions, et de savoir être obéi autrement que par la crainte.

De nombreuses légendes, issues de civilisations diverses, nous enseignent ainsi que les dirigeants d’une société – les rois de naguère – ne peuvent s’instruire que s’ils consentent à se déguiser en homme du peuple afin de recueillir les avis de celles et ceux qu’ils n’ont pas vocation à côtoyer au quotidien.

Pourtant, l’action quotidienne se présente souvent comme une bataille, chaque détour de chemin, chaque situation appelant une décision.

C’est pourquoi les événements récents doivent également donner matière à penser aux citoyennes et aux citoyens, aux francs-maçonnes et aux francs-maçons, qui sont parfois pris à partie en cette qualité.

Nos temples ne sont pas des murs, et l’on n’y pratique pas l’entre-soi, l’une de nos forces étant notre aptitude, pour ne pas dire notre inclination, à débattre avec celles et ceux qui ne sont pas d’accord avec nous.

Pour apaiser le climat social et contribuer aux conditions d’un débat serein, l’esprit doit impérativement se délivrer de l’instinct.

Et désacraliser la violence, en ayant en tête les mots de Merleau-Ponty :

« L’histoire n’est pas un dieu extérieur, une raison cachée dont nous n’aurions qu’à enregistrer les conclusions : c’est un fait métaphysique que la même vie, la nôtre se joue en nous et hors de nous, dans notre présent et dans notre passé, que le monde est un système à plusieurs entrées ou, comme on voudra dire, que nous avons des semblables. »

Que ne pourrais-tu, fraternité ?

Edouard HABRANT, le 7 décembre 2018