Edito d’avril 2019

 « Je suis la plus petite de mon entourage

J’écoute tout ce qu’on me dit

Tous les présages, tous les avis,

Et j’entends l’affranchi

J’entends le converti

Même le plus si sûr de lui

Au fond mais pas si sûr de lui

Et j’ai compris qu’il n’y avait rien à comprendre

Dans cette vie

Ni tout seul ni tous ensemble

Mais je respecte que tu te poses toutes ces questions

Et je te souhaite de trouver tes propres raisons

D’ici là,

La lune brille pour toi

Elle guide chacun de tes pas

Dans l’escalier qui mène au toit »

The Pirouettes, « L’escalier » (2016)

Dans un Dialogue imaginaire entre Phèdre et Socrate, intitulé « EUPALINOS », Paul Valéry évoque la mémoire de l’architecte éponyme ayant eu le génie de faire chanter les édifices, et « prédisant leur avenir monumental aux amas de pierres et de poutres qui gisaient autour de nous ».

L’idée force, d’une portée exceptionnelle, prêtée par le poète à l’homme de Mégare était que le temple met l’homme en mouvement.

Comment rester immobile devant un monument qui nous appelle, nous enjoint de le considérer en déplaçant sans cesse les points de vue et les perspectives, en éprouvant sa solidité, sa finesse, sa beauté ?

Certes, les pensées qui découlent de ce mouvement initial – pour ne pas dire initiatique – varieront d’un monument à l’autre et nous transporteront vers les rivages les plus variés : du Palais de Justice proclamant la rigueur de la loi à la redoutable exubérance de la Grande Muraille, en passant par la grande colonnade de Palmyre, le chemin et le mouvement sont bien différents.

Et pourtant, à chaque fois, il faut cheminer, circuler, et parfois même déambuler, pour répondre à l’appel du monument, ce « lourd manteau » selon l’expression d’Alain.

C’est ainsi que peut surgir le besoin irrépressible de rendre sensible, notamment par le toucher, ces images qui parlent à notre esprit et à notre cœur, sans nécessairement dissiper le mystère et les questionnements.

Interrogation sur les murs, sur l’opposition du dehors et du dedans, sur la destination d’un lieu, sur des parements éloquents, sur des silences pénétrants.

L’appel de la cathédrale est particulièrement énergique, invitant à la fois au travail commun et à une forme de résistance à l’individualisme. Elle aspire à être ce lieu où le jeu des rosaces associe le fini à l’infini, où les vitraux, par la diffusion de la lumière, offrent à la fois le partage et une possibilité de s’élever, de maintenir en permanence l’envie de grandir.

« Poétique à portée universaliste et émancipatrice », selon les mots de Charles Coutel, la cathédrale porte la promesse, voire le symbole, d’une hospitalité généreuse et authentiquement fraternelle.

Accueillir totalement sans jamais rien renier de soi, il y a sans doute là une grandeur et une forme de paix.

Les signes sont là. Ils attendent nos pensées.

Edouard Habrant