En mai, fais ce qu’il te plait !
Le joli mois de mai a commencé par un moment intense d’émotion partagée au cimetière du Père Lachaise, à l’invitation du Grand Orient de France.
Nous étions nombreux, de toutes les Obédiences libérales françaises et même belges, quelques centaines, près de mille, à participer au rassemblement en hommage aux Martyrs de la Commune de Paris, pour la République et la laïcité.
Nous nous sommes arrêtés et avons déposé des fleurs sur les tombes de Roger Verlomme, Léon Richer, Marie Béquet de Vienne, Oscar Wilde, Jean Allemane et ensuite devant le mur des Fédérés.
C’est devant le mur des Fédérés que chaque Obédience présente a pu s’exprimer. J’ai été touchée par ce moment d’unité et de fraternité, par cette volonté commune de ne pas fermer les yeux devant l’ignominie, de la dénoncer toujours et encore, hier comme aujourd’hui.
Lors de la bien nommée semaine sanglante, 147 hommes, femmes, enfants ont été fusillés devant ce mur et ont été enterrés dans une fosse commune. J’ai ressenti de la tendresse pour eux, de la tendresse pour ces vies brisées. Que seraient-ils devenus s’il avaient vécu, quels combats auraient-il menés ?
Avaient-ils conscience d’être des martyrs ? Il me semble que non mais ils devaient avoir conscience de leur mort prochaine. Comment pouvaient-ils imaginer en 1871 que nous serions là, en 2024, à leur rendre hommage ? Que nous continuerions de porter les idéaux qui étaient les leurs, leurs espoirs d’une vie meilleure, plus libre, plus éclairée ?
Ils ne sont pas morts pour nous, ils n’avaient sans doute pas envie de servir d’exemples, ils voulaient vivre libres. Leur vie leur a été volée, ils ont été assassinés lâchement, aujourd’hui nous parlerions de crime de guerre. Ils sont morts parce qu’un pouvoir absolu en a décidé ainsi, victimes de la tyrannie. Ils sont morts en combattants de la liberté.
À cet instant, devant ce mur, la dimension universelle de ces morts m’a sautée à l’esprit. Il y a dans l’être humain une irrépressible volonté de liberté, aucune tyrannie n’en est jamais venue à bout.
Et pourtant, la tyrannie n’est jamais loin, elle guette, elle attend son heure. Nous ne devons pas relâcher notre vigilance, une prison même dorée reste une prison.
Émanciper c’est rendre libre, c’est dépasser la prison de nos propres convictions, c’est sortir de notre zone de confort, c’est prendre de la distance avec tout ce qui nous assigne, nous conditionne.
J’ai eu l’occasion de rendre hommage à Léon Richer sur sa tombe. Ce grand avocat de la cause des femmes est passé à côté d’une dimension essentielle de l’émancipation féminine : il s’est toujours opposé au droit de vote des femmes. Pourquoi ? Comment un homme aussi sensible à l’égalité a-t-il pu manquer cette dimension fondamentale ? Tout simplement par anticléricalisme, convaincu que le vote des femmes serait influencé par leurs confesseurs, par les prêtres.
Cela met en lumière qu’aussi émancipé que l’on croit l’être, nous devons être attentifs aux œillères que nous nous sommes choisies. Merci cher Léon de cette leçon de vie.
Le numéro 7 de la revue Sisyphe est sorti, il aborde la question de la violence. Il y a tant à dire à ce sujet, nous avons choisi d’apporter notre pierre à cette réflexion d’actualité.
Joli mois de mai à toutes et tous et Bonne lecture !
N’oubliez pas : en mai, fais ce qu’il te plait.
Christiane Vienne
SGM de la GLMF