Télescope

Les dernières semaines ont vu se télescoper deux états dans notre Nation.

Depuis plusieurs mois maintenant, les idées se déchirent autour de l’état du pays et de la manière dont il devrait être conduit.
Loin d’apaiser les tensions, les prises de position sans nuance tentent de disqualifier celui qui ne pense pas comme nous, elles récusent le débat et éloignent de l’indispensable entente.

Le point d’acmé a été atteint lors des élections européennes du 9 juin et des élections législatives des 30 juin et 7 juillet derniers. Loin d’être inattendus, leurs résultats ont été inédits et ont rendu impossible la détermination d’une direction claire.

Notre pays est divisé.

Mais depuis plusieurs semaines également, une vague d’unité s’est soulevée. Porté par la réussite de l’organisation des Jeux Olympiques, notre pays a redécouvert ce qu’il est, ce qu’il est capable de faire, d’apporter au Monde et ce que l’ensemble de la communauté internationale lui reconnaît (voir ici des extraits d’articles de la presse internationale). Car notre pays sait faire de grandes et belles choses.

Lorsque deux éléments se télescopent, le plus souvent ils commettent des dégâts.
Pourtant l’étymologie grecque nous apprend que de « tele » (loin) et « skopein » (voir), le télescope est l’objet qui nous aide à voir plus loin. Aujourd’hui de cela nous devons tirer parti.

Alors que nous pouvons nous éloigner quelques temps des soucis du quotidien, la période des vacances nous permet « de nous réconcilier avec le monde. » (Edouard Habrant – Éditorial de la Lettre d’Information de la GLMF N°15 – 3 août 2021). Nous Francs-Maçons savons que, comme le Temple, le monde recouvre deux aspects au moins : le monde intérieur et le monde extérieur.

Grâce au travail qu’il effectue sur lui-même, le Franc-Maçon essaie d’apaiser les relations qu’il entretient avec lui-même comme celles qu’il entretient avec les autres. Alors, le monde intérieur et le monde extérieur ne se télescopent plus, ils se rencontrent. Et de la rencontre naît le plus beau.

Les Jeux Olympiques naissent à l’Antiquité et parviennent à l’ère moderne ; ils ont eu lieu dans le monde entier. À Paris, ils se sont déroulés dans des arénas neuves et bâties à cette occasion comme dans des lieux historiques de l’Histoire de France tels que les jardins du Château de Versailles.

La Franc-Maçonnerie est autant l’héritière d’une histoire centenaire qu’elle a les jambes et l’esprit ancrés dans une vie bien contemporaine. En cela, elle aussi conjugue les époques et les espaces.
De l’univers à l’Homme, de l’Histoire à aujourd’hui, nous en sommes les descendants.

Prolonger l’erre de cet engouement olympique demandera un effort à chacun. Comme notre pays en a besoin, tâchons de nous considérer de manière lucide et de nous comparer de manière objective : nous avons du courage et un rôle à jouer. Alors, aidons-nous à répondre positivement à la question du sociologue Jean Viard quand il se demande « si nous allons réussir à inscrire ce moment d’histoire dans le récit national » (Presse Quotidienne Régionale – 15 août 2024).

À l’heure où la Société cristallise les tensions, sachons voir ce qu’il y a de meilleur en l’autre et thésauriser ses qualités, continuons au-dehors l’œuvre entreprise dans le Temple. Nous qui aimons regarder l’immensité du ciel et les étoiles si lointaines, sachons aussi les partager avec celui qui est à côté de nous.

« Elle me dit, un soir, en souriant :
— Ami, pourquoi contemplez-vous sans cesse
Le jour qui fuit, ou l’ombre qui s’abaisse, 
Ou l’astre d’or qui monte à l’orient ?
Que font vos yeux là-haut ? je les réclame.
Quittez le ciel ; regardez dans mon âme ! »

Victor Hugo – Un soir que je regardais le ciel (1846) 
Les Contemplations (1856).

Félix Natali
Grand Maître de la Grande Loge Mixte de France.
23 août 2024