Edito de janvier 2020

« Pendant cet instant miraculeux, les barrières des classes et des origines, les différences des croyances, les murs séparant les êtres n’existaient plus. Il n’y avait qu’un seul peuple de France, multiple et unique, divers et battant d’un même cœur. J’espère que, de ce jour, tous ceux, toutes celles qui étaient avec toi continueront de marcher dans leur tête, dans leur esprit, et qu’après eux leurs enfants et leurs petits-enfants continueront cette marche. »

JMG Le Clézio, « lettre à ma fille, au lendemain du 11 janvier 2015 »

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« Partout la puissance de la scission s’affirme et triomphe,

tandis que la puissance d’unification disparaît de la vie humaine. »

Hegel, « Le fragment de Tübingen »

Cinq ans après, que reste-t-il de l’esprit des marches républicaines des 10 et 11 janvier 2015 en réaction aux attaques terroristes perpétrées contre Charlie Hebdo et dans le magasin Hyper Cacher de la Porte de Vincennes ?

Historique au regard de son ampleur et de son retentissement international, cette mobilisation de défense des principes républicains, au premier rang desquels la liberté d’expression et la laïcité, a pu donner l’illusion d’un peuple uni dans l’émotion et dans la dignité, refusant de céder au fatalisme et au fanatisme.

Pourtant, ce moment fusionnel résonnant à la fois comme une promesse et une conjuration peine chaque jour davantage à dissimuler les fractures et tensions, notamment sociales, politiques et économiques, traversant le pays.

Qu’elle soit individuelle ou collective, la révolte est souvent un moment qui signifie que le pacte républicain doit être scellé de nouveau, et de nouveau librement.

En abordant son fameux « Contrat social », Rousseau n’a jamais prétendu expliquer l’origine des sociétés ; il a cherché à formuler les conditions d’une société légitime, laquelle repose – au fond – sur une idée assez simple : chacun reçoit le concours de tous en échange de celui qu’il promet à tous.

Aujourd’hui, cette idée est rudement mise à l’épreuve et le monde réel renvoie trop souvent une image hostile, étrangère, inhumaine ; en deux mots : de désagrégation.

Par son histoire, ses outils et la diversité de celles et ceux qui la composent, la franc-maçonnerie est amenée, si elle entend l’appel, à jouer un rôle essentiel pour empêcher que le tissu qui fait la société se déchire.

Pour concilier – voire réconcilier – deux exigences qui sont aussi impératives qu’elles peuvent sembler antagoniques : l’unité et la diversité.

Pour ne rien céder sur la liberté d’expression et les principes républicains.

Pour disputer pied à pied le terrain de la mémoire face à l’emprise de l’oubli.

Notre engagement maçonnique nous structure pour ces combats qui nous engagent sur le plan de l’âme comme sur le plan du cœur.

L’âme, car elle est, avec la conscience pour vigie, ce qui fait en chacune et chacun la force de refuser ce que nous dictent nos instincts, nos pulsions, nos peurs.

Le cœur, car c’est le siège de la tendresse et du courage, et que ces deux mots contiennent tout.