Se passant à Edimbourg ce polar noir pourrait se réclamer du rite écossais rectifié !
Les Français aiment Edimbourg et négligent Glasgow qui est pourtant une ville passionnante. Pour eux, Edimbourg est le rêve écossais, celui que l’on ne rencontre jamais, où qui reste une espèce de devanture du folklore local : kilt, whisky, jovialité des habitants et francophilie supposée. Puis vient l’atterrissage : derrière les décors de carton-pâte, nous découvrons un monde attachant mais âpre, une vie dure rythmée par les saisons et des pratiques religieuses encore bien établies dans les esprits (le congrégationalisme calviniste n’a rien d’une « rave-party » ! ), une vie sur soi bien loin d’une ouverture au monde tous azimuts. Il convient donc de rectifier notre regard sur ce qui relève plus de nos phantasmes que de la réalité.
Pour nous y aider, Ian Rankin auteur typiquement écossais nous en montre l’envers du décor. Edimbourg est un lieu qui comprend de larges secteurs où le crime et le glauque se côtoient assez aisément. Face à ce déferlement de violence, la police tente de faire face. L’une des figures inventées par l’auteur est celle de l’inspecteur Rebus. Là aussi, il n’a rien d’un héros. Porté sur l’alcool, divorcé avec une fille handicapée, de surcroît une difficulté incommensurable à s’attacher à quelqu’un, mais avec une pugnacité qui est le résultat d’une sublimation indispensable dans l’action.
Dans cet ouvrage (Grand prix de littérature policière 2005), les choses sont d’emblée compliquées. Les services sociaux font l’erreur d’installer un pédophile en face d’un jardin d’enfant, un policier exemplaire se jette d’une falaise, des enfants disparaissent sans que leurs familles n’aient la moindre explication, un tueur en série revient libre des Etats-Unis pour narguer la police et les médias.
John Rebus, tente d’échapper à la manipulation dans un jeu terrifiant où s’affrontent la raison d’état, les fidélités intimes, le désir de justice et les nostalgies du passé. L’Écosse est le pays des fantômes, surtout ceux qui ont emménagé à l’intérieur de soi et qui se cramponnent. Le « héros », finalement bien fragile, en plus de la traque d’un tueur représentant le mal, va devoir affronter ses propres contradictions qui sont aussi redoutables que l’objet de sa recherche.
Mais, cependant, un petit clin d’œil pour nous : Rebus, face à un interlocuteur qui lui serre fortement la main dira que c’est chez les Francs-Maçons qu’il rencontre ce genre de poignée de main !
Le vent venant des Highlands souffle sur Edimbourg, emportant tout et tous sur son passage…
La mort dans l’âme, Ian Rankin.
Editions Gallimard, 2004 (605 pages)
Ecrit par Michel BARON