Quand je suis arrivé à Paris j’habitais Avenue Foch, près de l’Etoile. À l’Etoile un jour sur deux il y a des Anciens Combattants qui défilent avec des drapeaux. Je me disais en moi-même « Est-elle donc si longue la liste des choses dont nous avons à nous souvenir? »
Quand on est jeune on peut se dire que sans doute ce serait bien de dépasser tout ça, que la vie doit remonter son chemin et que ce qui est devant est le plus important.
Mais.
Dans une interview en deux émissions donnée à Frédéric Mitterrand il y a quelques années, Valéry Giscard d’Estaing disait que « … les gens qui ont débuté la construction de l’Europe ne sont plus et l’on se souvient moins » de la raison pour laquelle on l’a bâtie, « nous voyons que la mémoire collective est faible, elle diminue et si l’on y prend garde va s’éteindre. »
En réalité, il nous faudra en permanence nous rappeler de qui nous sommes, de l’endroit d’où nous venons, de la raison pour laquelle nous avons bâti les choses ainsi et des raisons néfastes qui pourraient ressurgir aujourd’hui.
Le privilège de l’âge c’est aussi de savoir pourquoi l’on commémore. On dira à nos petits-enfants « Je me souviens du jour où il a été assassiné, je peux te raconter ».
Mais pour pouvoir les regarder en face nous leur dirons aussi qu’il n’y a qu’une communauté, celle de notre pays, que nous n’avons pas cédé face à ceux qui voulaient la diviser, que nous avons tenu face à ceux qui agitaient les différences pour exacerber les oppositions. Nous leur dirons que nous avons ouvert nos bras et nos esprits en disant que seuls la culture, l’instruction, le développent des savoirs pourront faire que Samuel Paty n’est pas mort pour rien. Ces choses dont les professeurs de nos enfants sont les tenants.
Commémorer c’est se rappeler. Se rappeler pour savoir pourquoi il ne faut pas recommencer.
Pour lutter il faudra s’ouvrir, lire, se cultiver, sentir le pluralisme, admettre qu’il peut y avoir plus d’une opinion, que la nôtre est juste la nôtre et qu’elle n’est ni meilleure ni moins bonne que celle de quelqu’un d’autre. Aller au cinéma. Aller au musée. Regarder des œuvres même sur Internet si l’on ne peut faire autrement. Véhiculer de la culture comme le faisait Samuel Paty quelques jours encore avant son assassinat. Car la culture permet d’avoir des ressentis, des sensations, des sentiments, des émotions, ces émotions qui font le dénominateur commun avec l’autre qui ne pense pas comme nous.
Aujourd’hui, relisons La Peste, essayons de faire en sorte que dans notre histoire, le Docteur Rieu ne meurt pas à la fin.
Félix Natali
Grand Maître
Grande Loge Mixte de France
Notre Obédience maçonnique dispose dans l’article Art 1. de sa Constitution :
« La Grande Loge Mixte de France est une institution essentiellement humaniste, philosophique et progressive.
Elle a pour principes la tolérance mutuelle, le respect des autres et de soi-même.
Elle proclame le principe de laïcité considéré comme l’opposition à toutes les aliénations et notamment à toute influence dogmatique. Elle se réfère à la liberté absolue de conscience, c’est-à-dire le droit pour chaque Franc-Maçon de croire à une vérité révélée de son choix ou de ne pas croire. »
Nous recommandons à nos initiés de participer à la vie publique, sociale et culturelle et de diffuser les fruits de leur recherche par leur exemple. C’est pour cela que je suis ici.
C’est important que la mémoire de Samuel se perpétue. En donnant à ce collège le nom de Samuel PATY, vous marquez pour l’histoire et le générations futures cet assassinat en effaçant le nom de son bourreau instrumenté par le terrorisme islamiste. Il dépasse très largement ce que ces filles et es sœurs ont appelé un éléphant planant puisqu’il s’étend désormais sur cette ville, partout en France et bien au-delà.
Il poursuivait comme nous poursuivons sans cesse à la Grande Loge Mixte de France avec détermination l’ambition de former des esprits libres.
Le nouveau nom de ce collège sera, je le souhaite, un marqueur de la condamnation du terrorisme islamique et de l’intransigeance de cette école sur les règles qu’elle impose à tous : élèves, parents, enseignants. Au-delà de Conflans-Sainte-Honorine la République doit appliquer avec fermeté ce que prévoit l’article 1 de la loi pour une école de la confiance du 26 juillet 2019 qui dispose : « L’engagement et l’exemplarité des personnels de l’Éducation nationale confortent leur autorité dans la classe et l’établissement et contribuent au lien de confiance qui doit unir les élèves et leur famille au service public de l’éducation. »
Et qui précise que ce lien « implique également le respect des élèves et de leurs familles à l’égard de l’institution scolaire et de l’ensemble de ses personnels ».
La confiance reste fragile à restaurer et à maintenir.
William Bres
Grand Hospitalier
Grande Loge Mixte de France