Je suis né en 1944, à Paris. Avec les restrictions de l’époque, ma mère m’a vite emmenée à la campagne, chez ma grand-mère. J’y ai passé les 6 premières années de ma vie en Lorraine avant de retourner vivre à la capitale, vers l’âge de 7 ans. Une enfance au cœur de la nature dans un village cerné par les forêts. Le rêve panthéiste quoi !
Je dois avouer quelques difficultés à passer d’un milieu rural à un milieu citadin. Je ne sais pas d’ailleurs si je me suis départi totalement de mon côté « péquenot » ! C’est ce qui va me faire prendre goût pour la solitude, la lecture et l’écriture avec à la clef, naturellement, une orientation vers l’immense plaisir de la chose intellectuelle. Ce qui m’amène à plonger avec délice vers ce qu’on appelle « les études ». J’en suis sorti avec deux doctorats (philosophie, sciences religieuses), un diplôme supérieur en psychanalyse et d’autres ! J’ai eu la chance et la volonté de faire ce que j’avais envie de faire dans ma vie et de réaliser le fameux « deviens ce que tu es » de Goethe.
J’ai découvert les francs-maçons en lisant la biographie de Voltaire. Je me suis dit qu’il serait intéressant de prendre contact avec eux. Pour entrer en maçonnerie, il y a deux choix : par sollicitation ou en faisant la demande. J’ai opté pour la seconde option. Je suis rentré à la Grand Loge Nationale Française (GLNF) non pas par idéologie, mais par hasard, le 22 octobre 1974. J’y suis resté longuement. J’ai été 3 fois Vénérable Maître dans la Respectable Loge « Les Compagnons de Saint Jean ». J’ai également eu des fonctions électives en tant que Grand Officier, tout en faisant partie d’une Loge de recherche. Il y a quelques années, j’ai rejoint la Grand Loge Mixte de France (GLMF). J’ai vécu toute ma vie dans la mixité, il était normal et naturel d’y venir. Cela était aussi, d’une certaine manière, la continuité avec les activités mixtes pratiquées avec les Eclaireurs de France, durant mon adolescence.
En 50 ans de maçonnerie, je n’ai jamais été confronté à l’hostilité de mes proches par rapport à mes engagements maçonniques. Au contraire, cela déclenche étonnement et sympathie. Mon appartenance est une affaire intime. Je l’ai vécu comme une conversion, dans le sens hébreu « Téchouva » (faire un retour sur moi-même en regardant ce qui est sa vérité). Ce qui est toujours un exercice périlleux : les autres souhaitent tellement se voir en toi comme effet-miroir qu’ils trouvent difficile ton incontournable altérité !
J’aime écrire. Ma motivation fondamentale est de pouvoir partager avec les autres. C’est ce que je retrouve en étant l’un des rédacteurs de la revue de la GLMF : « Sisyphe ». Nous essayons de rassembler ce qui est épars au sein de notre Obédience mais également chez les autres qui composent notre univers maçonnique. Les sujets que nous abordons permettent d’approfondir nos connaissances. Toujours dans une bonne ambiance, nous y travaillons en équipe pour y apporter nos différents points de vue. J’ai écrit également de nombreux livres comme :
• Un homme, une voix (co-écrit avec Michel Baroin).
• Psychanalyse et Protestantisme.
• Hiram et les enfants de la veuve : Psychanalyse et Franc-Maçonnerie.
• Dictionnaire de psychologie et psychopathologie des religions.
• Le concept de symbolisme entre psychanalyse et religion catholique.
En ce moment, j’écris un livre sur le concept de Grand Architecte De L’Univers (GADLU) chez John Toland (philosophe irlandais), l’influence que ce dernier a pu avoir avec la philosophie de Spinoza et de son influence sur les orientations de la Franc-Maçonnerie.
La Franc-Maçonnerie est représentative d’une structure familiale. Nous sommes des Sœurs et Frères, ayant comme père un homme assassiné et comme mère, une femme veuve ! Partant de ce constat, nous avons deux visions symboliques possibles au désir de rejoindre notre Ordre. La première une famille heureuse que l’on perd en se confrontant au monde et que l’on souhaite retrouver. La seconde, une famille insatisfaisante que nous souhaitons réparer.
Dans les deux cas, nous subissons un échec qui peut s’avérer salutaire : la Maçonnerie, tout en jouant un rôle de réveil de ce qui est inconscient en nous, n’a pas un rôle thérapeutique. Ce que nous voulions poursuivre ou réparer, la Franc-Maçonnerie ne peut et ne doit y répondre. Juste faire prendre conscience par la symbolique de notre réel au détriment de l’imaginaire. Et tenter, dans une difficile lucidité, de vivre ensemble et faire de belles rencontres dans lesquelles nous puisons « force et vigueur ».
Si je devais être un symbole ce serait : l’arbre. Pour son enracinement dans la terre et son évolution vers la lumière. Nous pourrions y voir aussi l’image que le bouddhiste a du lotus : au-dessus de l’eau, il s’enracine dans la boue qui le nourrit et l’aide à produire ses fleurs. Toute spiritualité ne peut être étrangère à la nature humaine, car la fleur, de manière alchimique, n’est qu’un produit de la boue !
Dans ma vie, un souvenir m’a particulièrement marqué. Un Frère nous avait quitté. Nous nous sommes rendus à ses côtés, pour un ultime adieu et faire une Chaîne d’Union autour de son cercueil. Nous nous sommes aperçus avec stupeur qu’il portait une cravate avec des danseuses tahitiennes ! Nous en avons dans un premier temps souri, puis ri à en mourir si j’ose dire ! Ce moment nous montre la formidable communion que nous partagions avec lui par la jubilation et dans laquelle nous l’avons accompagné vers sa dernière demeure avec un formidable pied de nez à la mort !
Les livres de Michel Baron sont tous disponibles sur internet. Pour la revue Sisyphe, il est possible de la commander sur https://www.conform-edit.com/sisyphe-glmf.html
Propos recueillis par Michel Riedel