Au commencement était le chaos !

Michel Baron nous invite à partir à la découverte d’Hans Küng, auteur du « Petit traité du commencement de toutes choses ».

« Créer n’est pas un jeu quelque peu frivole. Le créateur s’est engagé dans une aventure effrayante, qui est d’assumer soi-même, jusqu’au bout, les périls risqués par ses créatures ». Jean Genet (Journal d’un voleur).
Hans Küng, c’est qui ?

Je viens de lire une étonnante réflexion sur la place de l’homme dans le cosmos par le célèbre théologien suisse contestataire, Hans Küng (1928 – 2021), dans un ouvrage intitulé « Petit traité du commencement de toutes choses », aux éditions du Seuil.
L’auteur nous a quitté en 2021, âgé de 93 ans. Sa voix et ses écrits ne nous interpellerons plus. Dommage ! Prêtre et théologien suisse, il était le défenseur des options prises par Vatican II. Auteur du célèbre « Dieu existe-t-il ? », il a l’audace d’y répondre par la négation, car cette vision fonctionnerait plus sur un imaginaire que sur une vraie approche du Principe.
Hans Küng s’inscrit plus dans l’orientation apophatique de Maître Eckhart que celle d’une théologie enfermée dans un dogmatisme figé, bien en-deçà du dynamisme créateur du Principe. Il avait les accents sarcastiques d’un Savonarole pour évoquer la prétention de l’homme, se posant comme centre et maître de l’univers.

Les pendules du discernement

Dans ce livre, il remet à l’heure les pendules du discernement et n’y va pas de main morte pour nous faire entrer dans le vif du sujet. Il cite juste quelques chiffres confirmés par les savants : la terre a 13,5 milliards d’années, la vie en a près de 5 milliards et les premiers hommes sont apparus il y a environ 2 millions d’années.
À partir de cette réalité, que peut encore dire un croyant de la création et d’un Dieu créateur ? L’image donnée est fatalement anthropomorphique et relève plus du mythe que du formidable élan permanent, d’où jaillit une création en mouvement. La théologie ne peut pas demeurer dans le domaine du conte de fées, sous peine de disparition !

Il n’épargne personne !

Hans Küng n’épargne pas non plus le matérialisme et « Le hasard et La nécessité » chère à Monod. Proche de Teilhard de Chardin, il estime que les créationnistes qui récusent le travail des paléontologues et des astrophysiciens sont dans l’erreur, en pensant s’en tenir au récit littéral de la création du monde et de l’homme dans la Bible. La question fondamentale est la suivante : « L’évolution, difficilement niable se fait-elle avec ou sans Dieu ? ». Le croyant n’a rien à craindre de la lucidité, si cette dernière repose sur une dimension éclairée et spirituelle. L’infini œuvre dans le fini. Il n’y a pas de concurrence entre Dieu et le monde !

Une grande voix

Un grand livre et une grande voix qui nous interpellent, mais nous laisse dans la vision de cauchemar des débuts du monde, quand nous ne dissertons que sur une fin apocalyptique supposée que nous amène l’actualité. Il écrit (page 26) : « Au commencement, toute énergie et toute matière étaient comprimées dans une boule de feu primordial, inimaginablement minuscule et chaude, d’un volume infiniment petit mais d’une densité et d’une température colossales. Un mélange de rayonnement et de matière, si dense et si chaud que ni galaxies ni étoiles ne pouvaient exister en son sein ». De là, de quoi s’en tirer en pensant que nous sommes les fils de la lumière, il y a qu’un pas !
Finalement, ce n’est pas gai cette affaire, ni du côté de l’alpha, ni de celui de l’oméga. Bon, heureusement, il y a le repas dominical pour nous remonter le moral !

Par Michel Baron